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AMÉLIE ET LA MÉTAPHYSIQUE DES TUBES

de Mailys Vallade et Liane-Cho Han

Séance spéciale

 

Le cinéma d’animation est assez peu représenté au festival de Cannes alors quand une séance se présente il faut sauter sur l'occasion. Les deux co-réalisateurs sont là pour introduire la séance, fiers de leur travail et de pouvoir en faire la première mondiale ici. Il s’agit d’une adaptation du roman Métaphysique des tubes d’Amélie Nothomb (que celle-ci a d’ailleurs bien aimé) pour laquelle un style visuel proche de Calamity se déploie, à-plats de couleur d’une palette extrêmement riche, pour donner vie à une multitude de nuances, notamment dans la dépiction des décors. Le film raconte la petite enfance de l’écrivaine, de sa naissance jusqu'à ses trois ans environ. La mise au monde est traitée de manière métaphorique, comme une sorte de divinité en forme de tube qui répéterait son cycle indéfiniment. La narration prend ensuite des atours plus terre-à-terre, découverte d’un environnement particulier (le Japon), du langage, de la nature, de la mort, de l’attachement (joli personnage de la nounou) mais également des traumatismes d’un pays énoncés au gré d’un dialogue évoquant les bombardements et la colonisation. Le récit est finalement simple et constitué de la découverte du monde par les yeux d’un enfant, à la fois candide et doté d’une certaine ironie. Un joli moment pour petits et grands.

Animation  |  1h17

Avec Loïse Charpentier, Victoria Grosbois, Isaac Schoumsky

Appréciation : 3,5/5

 

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LES AIGLES DE LA RÉPUBLIQUE

de Tarik Saleh

Compétition officielle

 

Nous découvrions Tarik Saleh, cinéaste égyptien vivant en Suède, avec un film noir, Le Caire confidentiel, puis avec La conspiration du Caire, pour lequel il a obtenu le prix du scénario au festival de Cannes. Aujourd'hui, il conclut une trilogie thématique avec Les aigles de la république se déroulant toujours dans Le Caire des puissants. George est un acteur reconnu qui a fait les grandes heures du cinéma égyptien. Mais un jour, on le somme de participer à un film historique vantant le président en place, allant contre ses convictions. Pour protéger sa famille, et lui-même, d’un pouvoir autoritaire, il accepte et le voilà pris dans les machinations de son pays. Habitué à mentir, à jouer la comédie, jusqu’où peut-on aller contre ses convictions ? Le film met en scène les décors fastueux dans lesquels se déroulent ces jeux de pouvoir, palais de la corruption, au creux desquels évoluent ceux qui dirigent. Non dénué d’humour (la scène à la pharmacie), le film se veut tout de même grave, porté par le charisme indéniable de Fares Fares désormais habitué à tourner avec Tarik Saleh, et ouvertement politique en reconstituant par exemple une tentative de coup d’état ayant eu lieu dans le pays et en mettant en scène un véritable homme politique. La mise en scène épouse la tension vécue par son personnage qui s’étouffe dans cet engrenage fatidique. Un thriller politique efficace dans lequel le cinéaste continue d’explorer les coulisses du pouvoir.

Drame, Thriller  |  2h09

Avec Fares Fares, Zineb Triki, Lyna Khoudri

Appréciation : 3,5/5

 

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MÉTÉORS

de Hubert Charuel

Un certain regard

 

On se souvient du Petit paysan de Hubert Charuel qui mêlait habilement ruralité et cinéma de genre. Quelques années se sont déroulées depuis et la question était : qu’en est-il de la suite ? Météors se situe dans la France périphérique où deux amis vivotent de petits boulots et de combines, un peu perdus dans la vie. Un jour, un accident de voiture remet leur mode d’existence en question et si l’un parvient à relever la barre, l’autre peine à se défaire d’une addiction à l'alcool qui pourrait lui être fatale. C’est donc une belle amitié (presque vécue comme un couple finalement, les femmes étant absentes du film à l’exception de l’avocate et de la juge) mise à rude épreuve par les cahots d’une vie de prolétaire peu aidé qui nous est contée. Ce qui est appréciable c’est que le film trouve toujours le bon ton, tantôt drôle au début en période d’insouciance tantôt grave quand les choses se compliquent, sans avoir besoin de pousser trop les potards de la larme. Paul Kircher est parfois à la limite de la justesse (mais c’est peut-être là son jeu d’acteur puisqu’il donne très souvent cette impression), l’écriture compense cependant cette scorie et se permet une fin touchante d’émotion révélant que l’amitié nécessite parfois de durs sacrifices pour le bien commun.

Drame  |  1h50

Avec Paul Kircher, Idir Azougli, Salif Cissé

Appréciation : 4/5

 

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ALPHA

de Julia Ducournau

Compétition officielle

 

Julia Ducournau a fait des débuts tonitruants : après Grave qui avait su intriguer le public, elle gagne une Palme d’or pour Titane. Il n’est donc pas peu dire qu’elle est attendue au tournant avec Alpha, dont la projection en présence de l’équipe aura été marquée d’un malaise dans les spectateurs qui n’a cependant pas interrompu la séance. Alpha est une adolescente vivant avec sa mère infirmière, alors qu’un virus mortel rôde dans la population elle se réveille d’une soirée avec un tatouage sur le bras. Ce pitch vague va servir de métaphore au virus du Sida puisqu’on s’aperçoit rapidement qu’il est question de transmission sexuelle, par seringue, et que les homosexuels sont dévisagés par la population. L’oncle d’Alpha est un toxicomane, le portrait est complet. L’occasion pour Ducournau de faire ce qu’elle aime : observer les corps. Entre les traces de seringue sur les bras, la marque saignante du tatouage, les corps qui se raidissent lors du développement du virus pour former une matière solide, entre os et pierre, il y a la volonté d’aller chercher des sensations désagréables. Ceci se ressent aussi dans l’étalonnage où toutes les scènes concernant Alpha sont baignées d’une lumière blafarde, sombre, alors que la mère profite de lumière jaune plus chaude. L’ambiance saisit par sa radicalité crépusculaire, comme si le film pourrissait sur place, les personnages s’isolent dans une noirceur sans retour au fur et à mesure que le personnage de Tahar Rahim s’affaiblit (pour peu que vous ne soyez pas insensible au jeu d’acteur “à l’américaine”, il y livre une interprétation complète). La toujours impeccable Golshifteh Farahani complète bien un casting entre têtes connues et découvertes. Le film risque de diviser car il n’a pas l’abord facile mais il y a quelque chose de fascinant dans l’ambiance qu’il dégage.

Drame  |  2h08

Avec Mélissa Boros, Tahar Rahim, Golshifteh Farahani

Appréciation : 4/5

 

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SPLITSVILLE

de Michael Angelo Covino

Cannes première

 

Nous découvrions Michael Angelo Covino pendant le Covid avec The climb, il a cette fois les honneurs de Cannes première et ses compatriotes Sean Baker et Ari Aster sont dans la salle pour le soutenir. Ici, il s’agit d’une comédie : un couple est en voiture quand la femme annonce à son mari qu’elle veut divorcer, il se réfugie chez un couple d’amis et démarre un grand échange de partenaires et une volonté de relations ouvertes. Un canevas de comédie de mœurs qu’on connait bien en France mais qui gagne ici en force grâce à une solide écriture des dialogues et des situations délivrée par des acteurs au tempo impeccable. Le film enchaîne les idées humoristiques à une vitesse incroyable (malgré un petit ventre mou au milieu) et n’a finalement besoin que de peu de décors (une maison, le devant d’une école, une voiture, une fête foraine) et effets pour se déployer avec amplitude. La mise en scène complète cela avec une longue scène de combat hilarante qui dure plus que nécessaire pour ajouter à la comédie, ou encore des plans-séquences dans une maison pour suivre plusieurs personnages en même temps sans perdre l’ambiance. Une petite comédie indépendante qui fait mouche sans prétention.

Comédie, Romance  |  1h40

Avec Michael Angelo Covino, Dakota Johnson, Adria Arjona

Appréciation : 4/5

 

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UN POÈTE

de Simón Mesa Soto

Un certain regard

 

Le cinéaste colombien vient présenter le film sur scène avec son équipe, non sans humour, et son œuvre n’en manque pas. Nous suivons un poète (du moins c’est ainsi qu'il se définit) marginal, immature et maladroit qui va se mettre en tête d’aider une adolescente de famille modeste à devenir une poétesse … et ça va déraper. C’est un personnage atypique qui sert de moteur à ce film, il est brillamment incarné par un acteur qui lui donne toute sa force comique, entre visage renfrogné et démarche peu alerte. Ce personnage transpire le malaise et ses bonnes intentions se transforment régulièrement en situations difficiles. La mise en scène joue de cela avec son cadre pellicule déchiré et les impuretés de l’image qui, associés à une caméra épaule, donnent l’impression de quelque chose pris sur le vif, quasi documentaire par instants. Le tempo comique fonctionne très bien car le montage sait laisser durer les bonnes scènes pour renforcer la sensation de gêne vis-à-vis de ce personnage empâté. Il y a dans Un poeta la volonté de se saisir d’un personnage qui serait secondaire et méprisé dans une autre œuvre pour le mettre au centre, ne pas masquer ses failles et ses défauts mais chercher à gratter cette surface de rire inconfortable. Et c’est tout à son honneur.

Comédie dramatique  |  2h00

Avec Ubeimar Rios, Rebeca Andrade, Guillermo Cardona

Appréciation : 3,5/5

 

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L'AGENT SECRET

de Kleber Mendonça Filho

Compétition officielle

 

Il nous vient du Brésil, après Bacurau et son incursion dans le cinéma de genre, Kleber Mendonça Filho s’attaque à un récit plus classique … en apparence. Un homme débarque à Recife dans les années 1970 pour vivre chez quelqu'un, il semble méfiant, attentif, incarné avec naturel par Wagner Moura. Est-il l’agent secret du titre ? S’il en adopte la discrétion pour échapper à un passé que l’on découvrira, il s’agit en fait d’un universitaire qui se cache du régime dictatorial et fait profil bas. En adoptant les codes de ce genre de cinéma, le cinéaste rend compte de la difficulté de certaines personnes à vivre dans des pays qui les traque. Mais au-delà de ces scènes, beaucoup basées sur le dialogue, on a encore une fois des petites incursions dans le cinéma de genre : le film cite ouvertement Les dents de la mer par rapport à sa sortie contemporaine mais aussi une jambe humaine retrouvée dans un requin au début du métrage qui va donner lieu à des scènes étonnantes. Le requin comme allégorie du régime ? Ce n’est pas impossible. Le film rend aussi hommage au métier de projectionniste en montrant les cabines de cette époque. Enfin, le récit est encadré par des scènes se déroulant dans notre présent où une universitaire travaille sur cet homme et rencontre son fils, venant questionner la répétition de l’histoire et la manière dont on hérite de ce qui nous a précédé. Un film riche, peut-être un peu trop basé sur le dialogue par moments, qui s’inscrit dans l’histoire d'un pays qui revient au goût du jour (on se souvient du récent Je suis toujours là).

Policier, Drame  |  2h40

Avec Wagner Moura, Gabriel Leone, Maria Fernanda Cândido

Appréciation : 3/5

 

The phoenician scheme bandeau

THE PHOENICIAN SCHEME

de Wes Anderson

Compétition officielle

 

Wes Anderson avait quelque peu décontenancé une partie des spectateurs avec ses deux derniers opus, The French dispatch et Asteroid city, il était donc important de voir dans quelle direction il allait maintenant se diriger. Et The phoenician scheme se rapproche un peu plus de ce qu’il a fait avant, plus accessible et moins empêtré dans des structures rigides (bien que la structure soit bien présente). Il y a un côté bande dessinée, pulp, assez marqué avec cette histoire de grand négociateur capitaliste recherché à l’international, victime de multiples tentatives d’assassinat (la scène de crash d’avion au début est plutôt drôle), qui va aller faire des tractations en Phénicie (d’où le titre) pour mener à bien un projet. Chemin faisant, il retrouve sa fille devenue nonne, il rencontre Dieu lors d’expériences de mort imminente, est témoin d’une guérilla communiste dans la jungle … comme d’habitude chez Wes Anderson, ça fourmille d’idées, le film oscillant constamment entre espionnage, aventure, comédie (le running gag des grenades fait son effet) et drame familial. Mais là où on attend le cinéaste c’est sur la direction artistique et de ce point de vue, il est toujours au top. D’une méticulosité confinant à l’obsession, sa science du cadre parfaitement organisé et ses couleurs pastel lui donnent un style singulier propice aux gags visuels et à un certain décalage vis-à-vis des personnages. Alexandre Desplat signe une bande-originale loin d’être désagréable et le casting est toujours gargantuesque (Benicio del Toro, Benedict Cumberbatch, Bryan Cranston, Tom Hanks, Scarlett Johansson, …) : en définitive, c’est un bon cru.

Action, Comédie dramatique, Thriller  |  1h41

Avec Benicio Del Toro, Mia Threapleton, Michael Cera

Appréciation : 4/5

 

Exit8 bandeau

EXIT 8

de Genki Kawamura

Hors compétition - Séance de minuit

 

Genki Kawamura est à la fois cinéaste et romancier, avec Exit 8 il se lance dans l’adaptation d’un jeu vidéo du même nom. Le principe est assez ludique : un homme est prisonnier d’un couloir de métro dans lequel se glissent des anomalies, à chaque fois qu’il en voit une il doit faire demi-tour pour espérer pouvoir trouver la sortie. Un concept qui est repris dans le film qui s’ouvre sur un plan subjectif d’un homme dans le métro (avec un jeu sur le son) qui va s’enfoncer dans les couloirs jusqu'à être pris dans une boucle. Il y a du mystère dans cette démarche, la promesse d’un film à énigmes, et cela tient un petit moment mais le récit peine tout de même à se renouveler sur 1h30 malgré la rencontre de deux autres personnages et un changement de perspective qui n’apporte finalement pas grand-chose. Vers la fin, certains éléments du décor changent mais sinon il reste plus ou moins le même tout du long. A noter par moments une volonté de glisser vers quelque chose d’un peu plus horrifique, sans toutefois y plonger totalement, avec cet homme figé et souriant ou cette scène dans laquelle apparaissent des rats greffés de parties de visages humains : l’idée est bonne mais pas assez assumée pour véritablement avoir un impact. D’autant plus que la fin du film et “l’explication” à cela est attendue et donne une amère sensation de “tout ça pour ça”.

Épouvante-horreur  |  1h35

Avec Kazunari Ninomiya, Yamato Kôchi, Hirase Kentaro

Appréciation : 3/5

 

Die my love bandeau

DIE, MY LOVE

de Lynne Ramsay

Compétition officielle

 

Lynne Ramsay nous a habitués aux personnages ambigus dans Morvern Callar, We need to talk about Kevin ou A beautiful day. En s’attaquant à la crise du couple et à la dépression post-partum, la cinéaste ne laisse pas tout ça de côté. Dès la scène d’introduction, nous avons un plan fixe feutré où le couple Jennifer Lawrence (dans ce qui est sans doute son meilleur rôle) et Robert Pattinson s’installe dans une maison en forêt, une coupe de montage, le couple s’enlace puissamment sur une musique assourdissante pendant que la caméra bouge frénétiquement. Cette dualité est le programme d’un film âpre sur la destruction du couple après la naissance de l’enfant. Le personnage de Jennifer Lawrence a des comportements de plus en plus erratiques, douteux et autodestructeurs, elle est fascinée par le sexe que ne lui donne plus son compagnon (très bon Pattinson qui attire tantôt l’empathie, tantôt une forme de rejet). Et la force du film est de regarder cette situation pourrir sans rien avoir à proposer : le déclin est inéluctable et un séjour en psychiatrie n’y changera rien. La mise en scène propose des scènes difficiles, où on sent les personnages totalement perdre pied vers une issue malheureuse, voire se faire du mal, la bande-son accroche l’oreille, impose des musiques à un niveau sonore élevé pour saturer les sens du spectateur, comme un déferlement de rage entre deux accalmies. C’est une œuvre difficile mais ô combien réussie.

Comédie, Drame, Thriller  |  1h58

Avec Jennifer Lawrence, Robert Pattinson, Lakeith Stanfield

Appréciation : 5/5

 

Nouvelle vague bandeau

NOUVELLE VAGUE

de Richard Linklater

Compétition officielle

 

Après des détours par Netflix, Richard Linklater est de retour au cinéma pour rendre hommage au cinéma. Lui qui aime les œuvres temporelles (la trilogie Before, Boyhood) et les instantanés d’une époque (Dazed and confused, Everybody wants some), choisit aujourd'hui de saisir un moment de la Nouvelle Vague : le tournage d’A bout de souffle de Jean-Luc Godard. Le film se pare d'un noir et blanc et d’un grain d’époque pour mettre en scène le Godard critique qui cherche à passer à la réalisation, de la projection des 400 coups à Cannes au financement du film, avec bien sûr la création. Linklater se plaît à regarder Godard avec fascination, comme un génie maladroit, à la fois brillant et exaspérant. Faisant preuve d’une liberté qui côtoie en permanence l’insolence, le personnage crée au jour le jour, s’affranchit des règles, use de son esprit de contradiction et de ses jeux d’esprit cryptiques. Témoin de ce moment, Nouvelle Vague collectionne les personnalités d’époque, impliquées de prêt ou de loin dans la création, et les clins d’œil à d’autres œuvres dans la mise en scène (Pickpocket, La dolce vita), attractions pour cinéphiles en quête de redécouverte d’une époque non vécue. Un cinéaste majeur et un film majeur se créent sous nos yeux et c’est un agent du chaos pour une révolution artistique. Comme il le dit dans le film “ils veulent de la nouvelle vague, on va leur donner un raz-de-marée”.

Comédie  |  1h45

Avec Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin

Appréciation : 4/5

 

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RENOIR

de Chie Hayakawa

Compétition officielle

 

Découverte en 2022 avec Plan 75, imaginant un programme d’euthanasie pour les Japonais âgés, Chie Hayakawa se dirige cette fois par opposition vers l’enfance. Fuki a onze ans, son père est hospitalisé avec un cancer en phase terminale, sa mère est un peu brusque avec elle. Une situation propice aux déviances lacrymales mais qui les évite pourtant soigneusement. Le titre évoque le peintre Auguste Renoir puisque la cinéaste récupère sa technique impressionniste pour brosser le portrait de Fuki, que la caméra ne va pas lâcher. Un petit monde à hauteur d’enfant, que l’on pense insensible et potentiellement cruelle (son apparente indifférence à la maladie de son père, sa rédaction intitulée “je veux être orpheline”) mais qui se révèle finalement en quête d’interaction, en désir de l’autre, quitte à la pousser vers des dangers comme cette scène où elle fait des rencontres par téléphone et se rend chez un homme pédophile (le scénario aura le bon goût de la faire fuir avant qu'il ne se passe quoi que ce soit). Au fil de scènes en apparence anecdotiques mais joliment construites, la caméra observe le visage de sa jeune, mais terriblement juste, actrice Yui Suzuki dont on devine une solitude larvée qui ne cherche qu’à renouer un lien, peut-être avec sa mère quand un plan d’une force onirique vient définitivement illustrer l’absence définitive d’un père qui n’est plus. Renoir fait partie de ces œuvres à la force tranquille, qui savent jouer en mode mineur une partition maîtrisée.

Drame  |  1h56

Avec Yui Suzuki, Lily Franky, Hikari Ishida

Appréciation : 4/5

 

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LE ROI SOLEIL

de Vincent Maël Cardona

Hors compétition - Séance de minuit

 

Vincent Maël Cardona a démarré à la Quinzaine des cinéastes avec Les magnétiques, un récit classique sur le fond porté par un amour de la radio et du son. Le revoilà en séance de minuit dans une salle où l’ambiance est présente pour accueillir un film plus expérimental sur la forme. Le récit principal est encadré par deux scènes se déroulant au château de Versailles, appendices surprenants car contrastant fortement avec le reste. En effet, c’est la forme du huis-clos dans un bar PMU qui est privilégiée, l’enjeu étant un ticket de loto et la manière dont, le gagnant éliminé, les autres vont pouvoir se partager l’immense somme sans alerter les autorités. On pense aux scénarios circonscrits de Tarantino (Reservoir dogs, Les huit salopards), la science du dialogue en moins, pour un film choral basé sur l’exploration des possibilités. Ainsi, l’écriture n’hésite pas à revenir en arrière, à modifier des éléments, à faire intervenir d’autres personnages, pour s’adapter aux hypothèses et tâtonnements en train d’être façonnés. Ce procédé ludique questionne la notion même de récit et de vérité mais peut-être perdre quelque peu le spectateur sur la longueur. D’autant plus que la situation évolue sur le dernier tiers, ambiance musicale et visuelle changeant alors que le jeu de massacre s’intensifie. La photographie surprend, très sombre, tirant sur le jaune (pour évoquer le roi soleil, nom du bistrot ?), une proposition à l’esthétique étrange qui étouffe sur la durée. Le casting laisse la part belle à Pio Marmaï et à des acteurs émergents comme Sofiane Zermani et Lucie Zhang. L’occasion pour eux de se frotter à la longue standing ovation de fin de projection.

Drame, Thriller  |  1h55

Avec Pio Marmaï, Lucie Zhang, Sofiane Zermani

Appréciation : 3/5

 


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ORWELL: 2+2=5

de Raoul Peck

Cannes Première

 

Le cinéaste haïtien s’est fait connaître dans le documentaire mais on lui doit aussi un biopic de Karl Marx et sa rencontre avec Friedrich Engels. Ici, il revient à ses premières amours en s’attaquant à une figure tutélaire de la littérature dystopique (de plus en plus cité à tort et à travers) : George Orwell. L’écrivain de 1984 et La ferme des animaux (entre autres) sert de base à un essai filmique où on apprend quelques éléments biographiques (naissance et jeunesse dans une famille de classe moyenne supérieure, conscience de classe précoce, dégoût de la politique après la guerre en Espagne) et où un comédien incarne Orwell lisant ses lettres pour illustrer ses propos avec des extraits d’adaptations cinématographiques, d’autres films, ou simplement d’extraits télévisés et d’archives. L’intérêt est bien évidemment de faire résonner ces textes anciens de 80 ans avec une actualité qui ne fait que leur donner raison. Ainsi, les images s’arrêtent sur la prise d’assaut du Capitole, les propos de dictateurs, des fausses informations créées par intelligence artificielle, la montée d’un néo-fascisme mondial, et divers autres éléments pour clarifier le propos de l’auteur sur les systèmes totalitaires ou à vocation totalitaire. Le montage impeccable joue beaucoup dans la fluidité de l’ensemble et la pertinence d’un propos étalé sur deux heures, et propose des idées amusantes (bien que désespérantes) comme ce segment où s’affichent à l’écran des éléments de novlangue contemporaine et leur traduction impliquant leur impact social. Un condensé d’une époque morose donnant des clés de compréhension et de réflexion sur les mécanismes de domination et de neutralisation de populations qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat politiquement parlant.

Documentaire  |  1h59

Avec Damian Lewis

Appréciation : 4/5

 

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